A.reculons

Et le ventre noué,j'avance le coeur en bandoulière.

Jeudi 11 septembre 2008 à 19:42

"Et voilà que tu débarques dans mon existence, Arthur, sans même prévenir, sans crier gare, avec ton cortège effroyable de cadavres, de bombes, de boue, ton expérience affreuse, inaudible de la douleur, de l'incompréhensible, de l'incommunicable, voilà que tu es là, tout à coup, debout devant moi, dans le costume de tes vingt ans, et que tu me regardes de tes yeux tristes, fatigués, à peine accusateurs, au point que je préférerais qu'ils soient pleinement accusateurs. Voilà que tu dis : prends-moi dans tes bras,qu'au moins, la vie, ça ne soit pas seulement cette angoisse de la mort qui rend fou, cette attente permanente, insupportable de la mort prochaine. Prends-moi dans tes bras, pour que je sois autre chose que ce soldat crotté, cet anonyme des tranchées du Nord de la France, cette ombre grise et sale. Prends-moi dans tes bras, pour qu'il y ait le soleil, la chaleur, la douceur, toutes ces choses que nous avons oubliées, que nous avons perdues. Prends-moi dans tes bras, sans réfléchir, corps contre corps, bouche contre bouche, donne-moi ta chair laiteuse à embrasser, à caresser.


Et bien sûr, je te prends dans mes bras.

Nos vies ne sont simplement pas conciliables, ne l'ont jamais été. Pourquoi faut-il qu'aujourd'hui elles s'entrechoquent dans le grand fatras de ces années de fer et de feu? A cela non plus, je ne suis pas préparé. Cela non plus, je ne l'ai pas vu venir : ta demande impérieuse, celle que je te prenne dans mes bras."

Philippe Besson - En l'absence des hommes

 

 

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